La légionellose doit son nom à une épidémie survenue en 1976 chez 200 participants du 58è congrès de la Légion Américaine à Philadelphie, dont 30 sont décédés: la bactérie Legionella pneumophila, qui affectionne particulièrement les eaux tièdes (de 30 à 60°), s'était propagée par le système de climatisation de leur hôtel. L'émergence récente de cette maladie s'explique par son affinité pour les systèmes modernes d'alimentation en eau comme les tours de refroidissement, les climatiseurs, les bains à jet, les bains à remous (jacuzzi), les canalisations d'eau chaudes , etc....
Epidémiologie
Depuis 1976, de nombreuses
épidémies de légionellose ont été décrites
en Amérique du Nord et en Europe : on estime d'ailleurs que 8000
à 18000 personnes meurent de légionellose chaque année
aux Etats-Unis. En France, un peu plus de 1000 cas par an sont recensés
depuis deux ans. L'amélioration de la surveillance permet désormais
de détecter plus efficacement les foyers d'apparition de cas groupés
et depuis 1998, huit épidémies ayant pour origine des tours
aéro-réfrigérentes (Tar) ont été identifiées.
L'épidémie intervenue dans le courant de l'hiver 2003 dans
le Pas-de-Calais est la plus importante observée jusqu'alors tant en
nombre de cas (près de 90 cas constatés et 17 morts) que
pour l'étendue du territoire concerné : des personnes ont été
contaminées à une dizaine de kilomètres du foyer identifié
de propagation, une Tar située dans la ville de Harnes. Cette épidémie
a mis particulièrement en lumière les difficultés de maîtrise
des foyers de prolifération de Legionella pneumophila puisque,
pour la première fois, deux arrêts de la source industrielle pour
décontamination totale ont été nécessaires à
un mois d'intervalle pour parvenir à stopper l'épidémie.
La bactérie
Le genre Legionella
comprend une cinquantaine d'espèces, elles mêmes recouvrant
plusieurs dizaines de sérogroupes. Cependant, plus de 90 % des cas
cliniques sont dus à la seule Legionella pneumophila et plus
de 84 % des cas sont même occasionnés par des isolats du sérogroupe
1.
Les Legionella font partie de la flore aquatique et sont trouvées dans
de nombreuses sources d'eaux douces chaudes. La présence de dépôts
organiques et d'autres micro-organismes, ainsi que de fer, zinc et aluminium
dans les installations favorisent leur croissance. Elles sont résistantes
à la chaleur et peuvent de ce fait être retrouvées au fond
de cuves d'eau chaude. Ce sont des bactéries intracellulaires mais
qui peuvent survivre à l'extérieur des cellules. En milieu hydrique,
elles se multiplient au sein des amibes présentes, puis, lorsque
ces dernières meurent, elles se répandent dans l'eau et elles
sont alors ingérées par un nouvel hôte (une cellule) qui
va permettre de nouveaux cycles de multiplication.
Si certains doutes subsistent
sur les différentes voies de dissémination des Legionella
depuis leurs sources hydriques vers l'homme, l'hypothèse qui prévaut
est celle d'une propagation par le biais d'aérosols émis
par les Tar. Les huit épidémies décrites ayant pour origine
des Tar ne représentent pour autant que la moitié du total des
cas identifiés mais une étude récente suggère toutefois
que les vaporisations issues des Tar industrielles pourraient également
être à la source des cas sporadiques. En milieu hospitalier,
la contamination semble provenir majoritairement de l'alimentation en eau,
plus que des systèmes d'aérations, et le renforcement des contrôles
de la contamination et de la prolifération a permis une diminution notable
du nombre de cas qui y sont observés. Chez l'homme, après inhalation
des aérosols, les bactéries présentes sont absorbées
au niveau des alvéoles pulmonaires puis elles envahissent les macrophages,
cellules du système immunitaire, qu'elles finissent par détruire.
Il n'existe à ce jour pas de cas de contamination inter-humaine de
légionellose reporté.
Après une incubation
de 2 à 10 jours après contamination, la légionellose se
manifeste par des infections pulmonaires aiguës de type pneumopathies.
Les premiers symptômes ressemblent à une grippe (fièvre,
toux sèche) suivis par une augmentation de la fièvre qui peut
atteindre 39.5 °C. Le malade ressent alors des sensations de malaise, ainsi
que des douleurs abdominales (nausées, vomissements, diarrhées),
accompagnées de troubles psychiques (confusion, désorientation,
hallucinations pouvant aller jusqu'au delirium et au coma). La maladie peut
évoluer avec deux types de complications: une insuffisance respiratoire
irréversible et une insuffisance rénale aiguë,
qui sont alors souvent fatales. Les Legionella prolifèrent toutefois
essentiellement chez les individus les plus fragiles tels que les personnes
immunodéprimées ou les personnes fragilisées (opérés,
personnes âgées, nourrissons).
La bactérie, naturellement résistante aux pénicillines
habituellement utilisées dans le traitement des pneumopathies, peut être
efficacement combattue par d'autres antibiotiques, s'ils sont prescrits à
temps, comme l'erythromycine, la rifampicine et la ciprofloxacine.
L'équipe de Carmen
Buchrieser, au Laboratoire de Génomique des Micro-organismes Pathogènes
(dirigé par Frank Kunst et Philippe Glaser et associé au CNRS)
étudie l'épidémiologie génomique des Legionella
en collaboration avec le Centre National de Référence des Legionelles
(Equipe Inserm, dirigée par Jérôme Etienne, Faculté
de Médecine de Lyon) et la Société Anjou Recherche. Deux
souches de Legionella pneumophila responsables d'épidémies
en France ont d'ores et déjà été séquencées.
D'autres souches de légionelles sont en cours de séquençage
partiel ou complet en vue, notamment, de mieux comprendre les bases génétiques
de la virulence. L'objectif à terme est de mettre au point une puce
à ADN qui permettra la caractérisation génomique d'isolats
de Legionella, outil qui aidera par exemple à prédire le
risque associé à une contamination.
Parallèlement, en collaboration avec la Génopole Institut Pasteur
des puces à ADN destinées à la recherche et couvrant l'intégralité
des génomes des souches séquencées (Philadelphia,
Paris et Lens) sont en cours de développement : elles permettront
aux chercheurs d'étudier la fonction des gènes potentiellement
impliqués dans la virulence des Legionella.