Les lézards rêvent-ils comme nous ?

Biologie

Des chercheurs de l’équipe Sommeil du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CNRS/Inserm/Université Claude Bernard Lyon 1/Université Jean Monnet) en collaboration avec un collègue du laboratoire Mécanismes adaptatifs et évolution (CNRS/Muséum national d’Histoire naturelle)1 ont confirmé que les lézards possèdent deux états de sommeil comme l’Homme, les autres mammifères et les oiseaux. Ils ont ainsi validé les résultats d’une étude de 2016 faite sur le lézard Pogona vitticeps et l’ont répétée sur un autre lézard, le tégu argentin. Leurs résultats, publiés dans PLOS Biology le 11 octobre 2018, révèlent des différences entre les espèces, posant de nouvelles questions sur l’origine des phases de sommeil.

  • 1Et des collègues de l’Institut national des sciences appliquées de Lyon

Pendant les heures de sommeil, l’organisme s’attelle à de multiples activités vitales : consolider les connaissances apprises pendant la journée, nettoyer le cerveau des déchets du métabolisme, produire des hormones, réguler la température, se réapprovisionner en énergie. Ce phénomène physiologique conservé au cours de l’évolution semble partagé par tout le règne animal. Mais on a longtemps pensé que seuls les mammifères terrestres et les oiseaux possédaient deux états de sommeil : le sommeil lent et le sommeil paradoxal. Celui-ci, associé aux rêves, est une phase complexe qui plonge le corps dans un état ambigu, entre sommeil et éveil.

Une étude publiée dans Science en 2016 s’est penchée sur le dragon barbu (Pogona vitticeps) en démontrant qu’il passait par deux états distincts de sommeil. Elle émettait ainsi l’hypothèse selon laquelle les phases de sommeil seraient apparues chez un ancêtre commun aux mammifères et aux reptiles, il y a 350 millions d’années.

Les chercheurs du CNRS et de l’Université Claude Bernard Lyon 1 ont, dans un premier temps, réitéré l’expérience faite sur le dragon barbu. Ils ont ensuite mené une nouvelle étude sur une autre espèce de lézard, le tégu argentin (Salvator merianae). Les résultats confirment que les deux lézards manifestent deux états de sommeil distincts, partageant des similitudes avec le sommeil lent et le sommeil paradoxal.

Cependant l’analyse de différents paramètres comportementaux, physiologiques et cérébraux va encore plus loin en mettant en exergue des différences non seulement entre le sommeil des lézards et celui des mammifères et oiseaux mais également entre les deux espèces de lézards. Alors que le sommeil paradoxal des humains présente des activités cérébrales et oculaires semblables à celles de l’éveil dans un corps ensommeillé, celui des lézards se distingue par une activité des yeux plus lente et, pour le tégu, une activité cérébrale bien différente de l’éveil.

Ces différences révélées par l’étude offrent une vision plus complexe de ce qu’est le sommeil paradoxal au sein du règne animal, ouvrant ainsi de nouvelles portes vers la compréhension de l’origine de notre propre sommeil, de nos rêves… et de ceux des lézards.

 

lézard de l'espèce Salvator merianae, dans sa litière
Tégu argentin (Salvator merianae) © Paul-Antoine Libourel


 

Bibliographie

Partial homologies between sleep states in lizards, mammals, and birds suggest a complex evolution of sleep states in amniotes. Paul-Antoine Libourel, Baptiste Barrillot, Sébastien Arthaud, Bernard Massot, Anne-Laure Morel, Olivier Beuf, Anthony Herrel et Pierre-Hervé Luppi. PLOS Biology, 11 octobre 2018. http://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.2005982

Contact

Paul-Antoine Libourel
Chercheur CNRS
Véronique Etienne
Attachée de presse CNRS