Chicxulub : un cratère unique pour mieux comprendre les surfaces planétaires

Terre

Il y a 66 millions d'années, la chute d'un astéroïde dans la péninsule du Yucatán (Mexique) aurait mis fin au règne des dinosaures. Elle créait aussi le cratère d'impact de Chicxulub, le seul cratère connu sur Terre à posséder encore un anneau central, alors que ce type de structure est fréquent à la surface de nombreux objets du Système solaire. Pour ces différentes raisons, et bien que le cratère soit enfoui sous plusieurs centaines de mètres de sédiments, les scientifiques du monde entier sont prêts à tout pour percer ses secrets. L'expédition IODP/ICDP 364, réalisée par une collaboration internationale 1  impliquant des chercheurs du CNRS, d'Aix-Marseille Université et de l'Université de Bourgogne, publie ses premières analyses dans la revue Science du 18 novembre 2016 : les 835 mètres de carottes récupérées permettent pour la première fois de retracer l'histoire des roches lors de la formation de ce type de cratère.

  • 1L'« expédition 364 » a été réalisée dans le cadre des programmes internationaux IODP (International Ocean Discovery Program), fortement soutenu par le CNRS, ICDP (International Continental Scientific Drilling Program) et programmée par ECORD (European Consortium for Ocean Research Drilling). Elle a rassemblé plus de 60 scientifiques, ingénieurs et personnels logistiques notamment du British Geological Survey, de l'European Petrophysics Consortium (EPC - Université de Leicester, Université de Montpellier, Université d'Aachen) et du MARUM (Universität Bremen).

L'expédition IODP/ICDP 364 a débuté par deux mois de forage en mer, d'avril à mai 2016, à bord du L/B Myrtle. Cette première phase de la mission a permis, grâce à un forage en eaux peu profondes, de récupérer 303 carottes de grande qualité (de sédiments et d'impactites 2  ) et près de 6 km de données de puits cumulées. Ces données ont été analysées par une équipe internationale d'une trentaine de scientifiques, dont quatre provenant des laboratoires français : les premiers à pouvoir découvrir les roches formant l'anneau central d'un cratère d'impact.  

C'est en effet la première fois qu'un forage est réalisé dans l'anneau central (ou « peak ring ») d'un cratère d'impact météoritique. Le peak ring est une structure circulaire constituée de monts souvent discontinus, localisés à l'intérieur de grands cratères. Fréquemment observées à la surface des corps silicatés du Système solaire tels que la Lune, Mercure ou Vénus, ces structures topographiques sont le sujet de nombreux débats quant à leur formation et n'avaient, jusqu'à présent, jamais été échantillonnées. 

Les chercheurs ont notamment découvert que l'anneau central est majoritairement constitué de roches granitiques, mélangées à de la roche fondue, qui ont été non seulement choquées mais aussi déplacées de plusieurs kilomètres vers la surface lors de l'impact. Ces roches sont également traversées par des zones de cisaillement. Leur analyse montre que le choc a généré des flux verticaux et réduit la densité dans la croûte terrestre. La nature des roches qui forment l'anneau central du cratère de Chicxulub et leurs caractéristiques physiques permettent ainsi de confirmer l'un des modèles de formation de ces structures dit « par soulèvement dynamique suivi d'un effondrement ». Ces résultats sont les premiers d'une longue série qui lèveront une partie du mystère de ce type de cratère, depuis leur rôle dans la géologie des planètes jusqu'à leur impact sur le climat. Les chercheurs espèrent par ailleurs déterminer si une vie microbienne, ancienne ou moderne, a pu se développer dans les roches du peak ring.

La collaboration IODP/ICDP rassemble 60 scientifiques, ingénieurs, personnels logistiques parmi lesquels plusieurs chercheurs français, localisés en France et à l'étranger : 
-    Elise Chenot (sédimentologie) du laboratoire Biogéosciences (CNRS/Université de Bourgogne),
-    Ludovic Ferrière (minéralogie et effets de chocs) du Muséum d'histoire naturelle de Vienne, Autriche,
-    Erwan Le Ber (pétrophysique) de l'Université de Leicester (UK) et membre de l'European Petrophysics Consortium,
-    Johanna Lofi (géophysique en forages et pétrophysique) du laboratoire Géosciences Montpellier (CNRS/Université de Montpellier/Université des Antilles) et membre de l' European Petrophysics Consortium, 
-    Rubén Ocampo-Torres (géochimie organique) de l'Institut de chimie et procédés pour l'énergie, l'environnement et la santé (CNRS/Université de Strasbourg),
-    William Zylberman (géophysique et paléomagnétisme des cratères d'impact) du Centre européen de recherche et d'enseignement de géosciences de l'environnement (CNRS/AMU/IRD/Collège de France) et du Center for Planetary Science and Exploration à l'Université de Western Ontario (Canada).

L'acquisition de données de géophysique en forage a été réalisée dans le cadre d'EPC par des ingénieurs du CNRS : Laurent Brun, Gilles Henry, Jehanne Paris.

 

 

Plateforme de forage L/B Myrtle.
© LeBer@ECORD_IODP.

Plateforme de forage L/B Myrtle.

 

 

Plateforme de forage L/B Myrtle.
© Pérez-Cruz@ECORD_IODP.

Plateforme de forage L/B Myrtle.

 

 

Description pétrographique des carottes au centre de recherche marine de Marum (Brême, Allemagne).
© wzylberman@ECORD_IODP.

Description pétrographique des carottes au centre de recherche marine de Marum (Brême, Allemagne).

 

 

Vue des carottes prélevées lors de l'expédition.
© lofi@ECORD_IODP.

Vue des carottes prélevées lors de l'expédition.

 

  • 2Les impactites sont des roches nouvellement formées ou qui ont été modifiées suite à un impact météoritique. Ces roches, uniques en leur genre, contiennent des minéraux choqués et/ou des éléments fondus suite aux hautes pressions et températures générées par l'impact. Contact
Bibliographie

The formation of peak rings in large impact craters. Joanna Morgan, Sean Gulick, Timothy Bralower, Elise Chenot, Gail Christeson, Philippe Claeys, Charles Cockell, Gareth S. Collins, Marco J. L. Coolen, Ludovic Ferrière, Catalina Gebhardt, Kazuhisa Goto, Heather Jones, David A. Kring, Erwan Le Ber, Johanna Lofi, Xiao Long, Christopher Lowery, Claire Mellett, Rubén Ocampo-Torres, Gordon R. Osinski, Ligia Perez-Cruz, Annemarie Pickersgill, Michael Pölchau, Auriol Rae, Cornelia Rasmussen, Mario Rebolledo-Vieyra, Ulrich Riller, Honami Sato, Douglas R. Schmitt, Jan Smit, Sonia Tikoo, Naotaka Tomioka, Jaime Urrutia-Fucugauchi, Michael Whalen, Axel Wittmann, Kosei Yamaguchi, William Zylberman.Science, le 18 novembre 2016. DOI: 10.1126/science.aah6561 Consulter le site web

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William Zylberman
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Johanna Lofi
Chercheuse CNRS
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Chercheur CNRS
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Chercheuse Université de Bourgogne
Alexiane Agullo
Attachée de presse CNRS