Paris, 14 mars 2009
Pour lire des mots nouveaux, nous devons apprendre à associer un stimulus visuel (une lettre ou un graphème) à son stimulus auditif correspondant (le son ou le phonème). Lorsque les stimuli visuels sont explorés à la fois par la vision et le toucher, les adultes apprennent plus efficacement des associations arbitraires entre stimuli auditifs et visuels. Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont mené une expérience sur trente adultes francophones. Dans un premier temps, ils ont comparé deux méthodes d'apprentissage dans lesquelles ces adultes doivent apprendre 15 stimuli visuels nouveaux, inspirés de lettres japonaises, et leurs 15 sons correspondants (des stimuli auditifs nouveaux n'ayant aucune signification). Les deux méthodes d'apprentissage se différencient par les sens impliqués pour explorer les stimuli visuels. La première, « classique », sollicite uniquement la vision. La seconde, « multisensorielle », fait appel au toucher en plus de la vision, pour percevoir les stimuli visuels. Après la phase d'apprentissage, les chercheurs ont mesuré les performances de chaque adulte à l'aide de différents tests (1). Les résultats, largement supérieurs au hasard montrent que tous les participants ont bien appris les stimuli visuels et les stimuli auditifs, et ce, de manière similaire après les deux méthodes.
Forts de ce constat, les chercheurs ont ensuite soumis les participants de l'expérience à deux autres tests (2) permettant cette fois de mesurer les capacités à apprendre les associations entre stimuli visuels et auditifs. Les résultats révèlent que les sujets sont capables d'apprendre ces associations avec les deux méthodes d'apprentissage mais que les performances sont bien meilleures après la méthode « multisensorielle ». La passation des mêmes tests une semaine après la phase d'apprentissage a donné les mêmes résultats.
Ces travaux corroborent ceux déjà précédemment observés par la même équipe chez les jeunes enfants. L'explication vient des propriétés spécifiques du toucher et du sens haptique (3) manuel qui jouerait un rôle de « ciment » entre la vision et l'audition, favorisant ainsi la connexion entre ces sens. Reste à comprendre comment cela fonctionne précisément dans le cerveau et à aller plus loin dans la compréhension du mécanisme neuronal : les chercheurs envisagent de développer un protocole qui leur permettra prochainement d'observer sous IRMf (4) les aires corticales activées lors de ce processus d'apprentissage multisensoriel.
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Exemple d'un sujet en phase d'apprentissage multisensoriel. © Fredembach Benjamin. |
(1) Les deux premiers tests mesuraient respectivement la capacité d'apprentissage des stimuli visuels et auditifs à travers des tests de reconnaissance. Dans un test visuel, une cible visuelle était à reconnaître parmi cinq autres stimuli visuels nouveaux. Dans un test auditif, un son cible était à reconnaître parmi cinq autres sons nouveaux.
(2) Dans le test « visuo-auditif », on présente un stimulus visuel et le sujet doit reconnaître son son correspondant parmi cinq autres sons. Et inversement dans le test « audio-visuel ».
(3) ou tactilo-kinesthésique. Le sens haptique correspond au toucher pour percevoir les lettres.
(4) Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. C'est une application de l'imagerie par résonance magnétique appliquée à l'étude du fonctionnement du cerveau.
Fredembach, B., Boisferon, A. et Gentaz, E. (sous presse). Learning of arbitrary association betwenn visual and auditory novel stimuli in adults : the « bond effect » of haptic exploration. PloS One.
Gentaz, E. (2009). La main, le cerveau et le toucher. Apprendre neurocognitive du sens haptique et des apprentissages. Paris : Dunod
Chercheur CNRS
Édouard Gentaz
T 06 08 84 47 92
Edouard.Gentaz@upmf-grenoble.fr
Presse CNRS
Laetitia Louis
T 01 44 96 51 37
laetitia.louis@cnrs-dir.fr
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